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MAQUIS 15

Récit de Fernand NEDELEC
disponible en pdf

Avant la guerre de 1939-1945 , une quinzaine de régiments, soit environ 13000 hommes, cantonnaient à Toul et participaient étroitement à la vie de cette ville de garnison de 15000 habitants.


Après la défaite de l'armée française en 1940 qui a dû céder sous la pression de l'armée allemande mieux entraînée et mieux équipée, comment a pu naître la Résistance dans la région touloise ?
Malgré la défense héroique du 227ème régiment d'Infanterie qui s'arc-boute à Toul, du 18 au 22 juin 1940, la ville est détruite et brûlée par la Wehrmacht et les habitants restant encore dans la ville meurtrie sont hébétés, anéantis par le désastre et l'occupation.

L'amertume de la défaite est particulièrement ressentie par les jeunes qui écoutent l'appel du 18 juin 1940 du Général de Gaulle à la radio anglaise, invitant les Français à continuer la lutte aux côtés de nos alliés: "La France a perdu une bataille, mais elle n'a pas perdu la guerre".

Donc, dans l'esprit des jeunes générations, il faut effacer à tout prix la honte de cette défaite, afin de redonner à la France toute sa dignité et son honneur.

Alors, ces jeunes se ressaisissent, se consultent, s'organisent. Il faut rechercher des armes, récupérer celles qui ont été jetées en 1940 par nos troupes en repli, puis aussi enrôler des camarades sûrs et motivés.

Ce début de Résistance s'est concrétisé dans chaque corporation : les collègiens, les cheminots, les postiers, les commerçants, les agriculteurs, etc... et ces groupuscules se sont développés en autonomie.C'est seulement au cours de l'année 1942 que les chefs de Résistance touloise prennent contact afin de conjuguer leurs efforts



Dans le deuxième semestre de 1943,  de multiples arrestations à Toul désorganisent tous les groupes, amputés de leurs meilleurs éléments, arrêtés, fusillés ou déportés en Allemagne.  Fernand Nédelec, chef d'une "quarantaine", est cheminot à Domgermain. Il est sous les ordres de Paul Chevrier depuis mars 1942. Chevrier est dénoncé, arrêté et déporté à Buchenwald en juillet 1943. Par suite de ces arrestations, Nédelec, sans chef direct, doit reconstituer sa "quarantaine" dont il est responsable dans le Toulois.
Auguste Guillaume, chef de gare et chef d'un groupe local de Résistants FTP (Francs-tireurs et Partisans), l'accueille dans son équipe et l'initie à la manipulation des explosifs et à l'élaboration des sabotages.
Le 6 juin 1944, une opportunité se présente: il est convenu entre Guillaume et Nédelec que ce dernier se chargera de l'évasion des trente tirailleurs sénégalais, prisonniers au camp de Boucq.
Pour cela, sur place, il se fait aider par Marcel Blanqué et par l'un des trois responsables du camp, le sergent français Pierre Terrot, "prisonnier sur l'honneur".

L'opération est perturbée par l'arrivée inopinée de trois soldats allemands venus avec deux camions français réquisitionnés, afin d'emmener les prisonniers au camp de regroupement de Commercy: ceci s'explique par le débarquement allié en Normandie ayant lieu ce même jour.
La Résistance locale n'en est pas encore informée. Le chef de convoi est alors conduit au bureau,  assommé et neutralisé. Les camions conduits par des chauffeurs français partent rapidement, les deux autres soldats évitent l'affrontement et repartent à pied.
La situation permet alors à quinze Sénégalais de rejoindre avec Terrot le maquis russe dans la Forêt la Reine, alors que les quatorze autres dirigés par Nédélec et  Blanqué atteignent, à marche soutenue, la colline boisée surplombant le lieu-dit "Val-de Passey" à Ménillot, et créent, à cet endroit,  les premiers éléments d'un maquis baptisé "Maquis de Domgermain".








Le 6 juillet 1944, Guillaume plastique un train d'essence en gare de Domgermain en partance pour le front d'Italie. Il saute et brûle à Neufchateau: 12 wagons-citernes en flammes soit environ 200.000 litres d'essence détruits.
Dans la nuit du 7 au 8 juillet 1944, aidé par Marcel Blanqué et 7 Sénégalais, Fernand Nédélec fait sauter au plastic le pont-canal enjambant la ligne de chemin-de-fer entre Domgermain et Choloy: toute l'eau libérée engendre une baisse du niveau d'eau du canal de la Marne au Rhin, perturbant la navigation des grosses péniches vers l'Allemagne et la voie de chemin de fer ravinée et dégarnie de son ballast, occasionne un ralentissement important du trafic pendant plusieurs jours.
Le 9 juillet, une compagnie allemande monte au Val de Passey et recherche la position du Maquis pour l'anéantir, mais sans succès. Néanmoins, par sécurité, il est déplacé sur le plateau en surplomb du lieu-dit "Neuf-Moulin", entre Blénod-les-Toul et Rigny-Saint-Martin.
Sous l'autorité du Colonel GRANDVAL, Chef de la région C, il prend alors la dénomination de "Maquis 15" et augmentera progressivement son effectif jusqu'à la Libération.


Au Maquis, Blanqué assure la répartition de la nourriture fournie par la population locale, apportée 2 fois par semaine par l'équipe de Résistants de Blénod-les-Toul. C'est grâce à l'équipe de Résistants de Blénod-les-Toul et des agriculteurs que le maquis est ravitaillé et peut subsister. Les Sénégalais construisent des baraques en feuillages et sont chargés de la garde du camp. Nédélec conserve la responsabilité de l'organisation et de la mise en œuvre  des sabotages.
Le 11 juillet, Nédélec plastique une pointe de coeur au poste d'aiguillage B de Choloy, entrainant un ralentissement de la circulation.
Le 27 juillet, déboulonnage d'une longueur de rail entre Charmes-la-Côte et Mont-le-Vignoble: une locomotive déraille et se met en travers des deux voies.
Le 4 août, Guillaume, à nouveau, plastique un train d'essence au départ de Domgermain: il saute à Neufchateau et 100.000 litres d'essence brûlent.
Le 11 août, le poste d'aiguillage B de Choloy est détruit : le raccordement militaire allant vers Foug est inutilisable.
Le 16 août, une voiture et 50 litres d'essence sont donnés gracieusement par Mr Bourbonneux, directeur des Verreries de Vannes-le-Chatel.
Le 21 août, après avoir arrêté et dirigé sur Maron une locomotive allemande, le poste d'aiguillage E de Charmes-la-Côte est détruit.

de gauche à droite

Marcel Blanqué     Fernand Nédelec
Cyriaque Jamin      René Fourrière
Les pointes de cœur sont plastiquées: le raccordement militaire allant vers Neuves-Maisons est inutilisable.
Le 23 août, avec les Résistants de Gondreville, Nédélec organise et réalise le détirefonnage de 2 longueurs de rails sur la ligne Paris-Strasbourg, entre Gondreville et Fontenoy-sur-Moselle : un train de matériel allemand déraille.
Le 30 août, le Maquis 15 descend et occupe Blénod-les-Toul, mais le 1er septembre, une colonne d'une trentaine de chars allemands contraint les maquisards à se replier jusqu'au fort.
Le 2 septembre, le Maquis 15 est à Toul déserté par les Allemands et avec les FFI toulois, assure la défense de la ville.
Le 4 septembre, il est envoyé à Villey-Saint-Etienne où les Allemands repassent la Moselle: l'arrivée des premiers éléments américains permet la libération du village après deux jours de combat: un mort et deux blessés pour le Maquis 15.
Le Maquis 15 n'a jamais bénéficié de parachutages et s'est contenté d'armes de récupération. Il n'avait donc pas la capacité de mener des combats ouverts contre l'occupant. Ses activités étaient limitées aux sabotages des lignes de chemin de fer et de trains et à accueillir les prisonniers évadés, les réfractaires au STO (Service du Travail Obligatoire), les aviateurs alliés rescapés dont les appareils avaient été abattus par la DCA allemande.

A la Libération, son effectif était de 80 hommes environ dont 17 Sénégalais et une vingtaine d'anglophones, Anglais, Américains, Canadiens, Australiens...

Le Maquis 15 a donc rempli sa mission en participant activement à la Libération du Toulois.




Mais la guerre n'était  pas finie !


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