Née en 1906 à Saint-Louis (Missouri), Joséphine Baker devient célèbre
pour le Tout-Paris en 1925 lors de son rôle très remarqué dans la «
Revue Nègre ».
Les années 30 marquent l’apogée de sa carrière, Vincent Scotto lui offre une chanson qui fera le tour du monde : « J’ai deux amours ».
Très adulée, Joséphine consacre sa vie privée à des œuvres caritatives,
elle s’implique très tôt pour les enfants malades et poursuit sa
carrière de façon extraordinaire tout au long de l’entre-deux-guerres
(le Casino de Paris et les Folies Bergère sont ses deuxièmes maisons)
; elle participe à de nombreux galas, très adulée elle se retrouve dans
toutes les soirées parisiennes. Son mariage avec Jean Lion en 1937 lui
permet d’acquérir la nationalité française. La même année, elle
obtient son brevet de pilote.
Sa vie bascule en 1939 lorsque, par l’intermédiaire de son imprésario
Daniel Marouani, elle rencontre le capitaine Jacques Abtey à qui elle
confiera sa volonté farouche d’aider la France :
« C’est la France qui m’a fait ce que je suis, je lui garderai une
reconnaissante éternelle (…) je suis prête à donner ma vie à la France
(…) vous pouvez disposer de moi comme vous l’entendez ».
Pendant les cinq années de guerre, Joséphine Baker fit preuve de
courage, d’intuition et d’intelligence. Elle servit de couverture au
capitaine Abtey ; le capitaine, au départ adjoint au chef du service
de contre-espionnage militaire à Paris (en section dite allemande) –
service qui identifia en grande partie tous les professionnels du
Service de Renseignements allemands – fut par la suite responsable du
contre-espionnage de la région de Paris. Joséphine Baker fit partie des
personnes recrutées par le C-E et par le capitaine Abtey pour se
rendre dans des pays frontaliers afin de récupérer des informations
sur le Service de Renseignements allemands.
Dès 1939, elle se mobilise pour la Croix Rouge à Paris et s’occupe de
la Section des jouets de l’IPSA (les Infirmières Pilotes Secouristes de
l’Air) ainsi que d’un camp de réfugiés à la gare du Nord (après le coup
de tonnerre de la Ligne Maginot – où elle chanta pour les troupes).
La Résistance en Périgord
En janvier 1940, l’artiste quitte Paris et se réfugie au Château des
Milandes, propriété louée depuis son mariage chaotique avec Jean Lion
(courtier en sucre).
« L’honorable correspondante » retrouve ses amis périgourdins
prêts à donner leur vie pour la France. Le 18 juin, devant sa radio,
Joséphine très attentive, reste bouleversée par l’appel d’un certain
général de Gaulle. Son message retentit comme un écho dans le cœur de
l’artiste : elle doit aider la France et le Général ! Le capitaine
Abtey la rejoint et découvre un réseau organisé au château. Des armes
sont cachées dans la cave, des personnes trouvent refuge au château.
Elle est chargée de transmettre des informations grâce à ses partitions
de musique où le capitaine Abtey note scrupuleusement à l’encre
sympathique des informations capitales pour le contre-espionnage. Elle
est aussi mise à contribution pour la récupération de documents
confidentiels notamment la position des blindés allemands.
Joséphine ne tarde pas à quitter le château en compagnie de Jacques
Abtey, dans l’espoir de rejoindre Londres et de servir de liaison avec
l’Intelligence Service. L’artiste commence alors une tournée bien
spéciale dans des lieux étroitement liés avec le travail de
renseignement du Capitaine.
Leur mission commandée par le colonel Paillole les pousse vers le sud
de la France, Marseille puis l’Espagne et le Portugal. S’ensuit toute
une période passée en Algérie puis au Maroc avec toujours l’idée de
servir de couverture au capitaine Abtey.
Entre juin 1941 et novembre 1942, Joséphine subit plusieurs opérations
et reste alitée à Casablanca ; mais bien que souffrante sur son lit
d’hôpital, elle reçoit des gradés dans sa chambre qui devient un bureau
de renseignement ! Ce n’est qu’en mars 1943 qu’elle accepte de chanter
bénévolement pour les troupes américaines fraichement débarquées au
Maroc.
Une petite croix de Lorraine en or
Le général de Gaulle installe alors son quartier général à Alger et
Joséphine est une formidable ambassadrice pour le Général dans toute
l’Afrique du Nord. Lors d’un concert que donne Joséphine en présence du
Général à Alger, celui-ci lui fait remettre une petite Croix de
Lorraine en or pour lui témoigner toute sa sympathie, il la remercie
personnellement dans sa loge pour tous ses efforts passés. Une belle
récompense pour la petite fille du Missouri.
Sur ordre militaire elle fait une incroyable tournée, emmenant avec
elle le capitaine Abtey et Si Mohammed Menebhi le beau-frère du sultan
de Marrakech. Tous trois traversent en jeep toute l’Afrique du Nord et
opèrent une vaste tournée au Maghreb et en Egypte. Du Caire, ils
gagnent Beyrouth par avion pour poursuivre leur tournée à travers le
Moyen-Orient. En Syrie et en Palestine aussi bien qu’au Liban, ils
donnent des représentations au profit de la résistance (Joséphine a
alors toujours avec elle un drapeau français sur lequel elle avait fait
broder la Croix de Lorraine !). Essentiellement en reconnaissance des
services de propagande qu’elle avait rendus au cours de cette
impressionnante tournée, on la fit sous-lieutenant des troupes
féminines auxiliaires de l’armée de l’air française.
Après la libération de Paris, elle débarque à Marseille en octobre 1944
avec son costume militaire et sa Croix de guerre dite de Londres avec
palme pour la citation à l’ordre de l’armée (portées par des unités des
Forces françaises libres). Joséphine Baker fut décorée de la médaille
de la Résistance en octobre 1946 par le colonel de Boissoudy qui lui
épingla sa médaille dans une clinique de Neuilly sous les yeux de
madame de Boissieu, la fille du général de Gaulle. Elle venait de subir
à nouveau une opération du ventre.
Elle reçoit la Légion d’honneur le 18 août 1961 au Château des Milandes
des mains du Général Valin (voir photographie ci-dessous).