Les nouveautés du 14 juillet
La douille d’obus de Peggy, et la machine à coudre de Geneviève Deluze…
D’une guerre à l’autre …
Pour la majorité des gens, il est des objets qui symbolisent « une » époque.
« machine à coudre « veuve de
guerre », douille d’obus gravée = « art de tranchée », … « souvenirs de
la Première Guerre mondiale ! » … et pourtant …
Hasard du calendrier, comme
il y en a souvent à l’Espace de Mémoire, deux objets qui viennent de
nous être donnés, rappellent que l’histoire n’est pas toujours aussi
simple que cela.
1 - la machine à coudre de Raymonde BRUNET
Georges BRUNET est né le 11
avril 1913, à Champagne-les-Marais (Vendée). Il épouse Raymonde
EUSTACHE le 13 octobre 1937 à Barjac (Gard). Ils auront deux enfants :
Robert, né le 1er octobre 1938, et Georgette, née le 11 février 1941.
Georges BRUNET travaille dans
une mine de » charbon dans le Gard lorsqu’il est mobilisé en septembre
1939. Il est affecté au 78ème régiment d’infanterie.
Le régiment stationnera durant toute la « drôle de guerre » en Lorraine et dans le Bas-Rhin.
Le 31 mai 1940, il est envoyé au sud d’Amiens.
Le 8 juin 1940, Georges
BRUNET tombe au champ d’honneur à Sourdon (Somme). Sa fille Georgette
nait 8 mois après le décès de son père.
Ce n’est qu’en septembre 1941, que son épouse est informée officiellement du décès de son mari.
Mère de deux enfants âgés de moins de 18 ans, elle se voit attribuer le 25 juin 1942 une pension de veuve de guerre.
Dans les années 1946-1947,
Raymonde BRUNET se voit également offrir une machine à coudre par
l’Office National des Anciens Combattants. Un geste hérité de la
Première Guerre mondiale, comme on peut le lire ci-dessous.
S’il existe de nombreux
écrits relatifs à ces machines à coudre « veuves de guerre » attribuées
après la Première Guerre mondiale, en revanche, il n’y a que peu de
textes rappelant que des machines à coudre furent également offertes
après la Seconde Guerre mondiale.
( un autre exemple à lire sur
http://cauderan.ffi.free.fr/MACHINE.htm, pour une machine identique
offerte à la veuve d’un FFI tué le 26 août 1944 )
Après le décès de sa
grand-mère, Raymonde BRUNET, c’est sa petite fille Geneviève DELUZE,
domiciliée à Epinal, qui a conservé la machine à coudre.
Cette dernière vient d’en faire don à l’Espace de Mémoire.
Des machines à coudre pour les veuves de guerre
Fin 1918 à Paris, un sénateur
et ancien ministre, Henri Chéron, fondateur de l’Office national des
mutilés, prononce au Trocadéro un discours pour les veuves de guerre :
« Rien ne peut être plus utile à une petite famille que la machine à
coudre qui permet à la fois d’entretenir convenablement ses enfants et
de se procurer les ressources complémentaires rendues indispensables
par la pension allouée par l’État. » Les manufactures répondent à son
appel…
L’Office national des mutilés
assure l’adjudication des marchés et la répartition des machines à
coudre par le biais des comités départementaux. Elles sont attribuées
dans les départements libérés aux veuves de guerre non remariées, ayant
au moins trois enfants, puis à l’arrière à celles en ayant quatre. Sur
le bâti une plaque stipule : « L’Office national des mutilés et
réformés de la guerre à la veuve d’un glorieux défenseur de la patrie
». Un contrôle tous les 6 mois vérifie leur constante utilisation. Le
cas contraire, la machine est attribuée à une autre veuve. L’Office
mène des actions de rééducation fonctionnelle. Des mutilés aveugles
sont dotés d’une machine à écrire.
Dans sa thèse, « Veuves
françaises de la Première Guerre mondiale » (2012), Peggy Bette atteste
que près de 10.000 veuves ont reçu une machine à coudre entre 1921 et
1926. Elles résident surtout dans l’Ouest, le Nord et l’Est…
(voir : http://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2012/bette_p/pdfAmont/bette_p_these.pdf : pages 394 à 401).
Jacques Chauvin, Université Inter Ages, Poitiers
Source : https://www.lanouvellerepublique.fr/vienne/chroniques-de-la-grande-guerre-des-machines-a-coudre-pour-les-veuves |
Georges BRUNET
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Raymonde BRUNET
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SITE Mémoire des Hommes :
https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/
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12 juillet 2019,
Epinal, Geneviève Deluze avec la machine à coudre de sa grand-mère
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13 juillet 2019,
la machine à coudre de Raymonde Brunet exposée dans l’Espace de Mémoire
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Compte tenu du handicap de sa propriétaire, la machine à coudre a été motorisée.
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« L’Office
national des Anciens Combattants et victimes de la guerre » a
remplacé « l’Office national des mutilés et réformés de la
guerre »
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2 - la douille d’obus de Joséphine ZION
L’histoire débute le 1er
novembre 2018, par un message de Peggy Frankston, correspondante à
Paris de l’United States Holocaust Memorial Museum de Washington, et
membre de l’association.
« Récemment, ma cousine
en Californie a reçu une lettre adressée à son père, mort il y a
quelques années, envoyée par une enseignante, Céline Zion, originaire
de Meisenthal dans le Pays de Bitche.
Sa grand-mère, Joséphine
Zion, née Meyer, a rencontré Charles Lobel (mon cousin éloigné) quand
il était soldat et que la maison des Meyer à Meisenthal avait été
convertie en hôpital pour les soldats américains. Il y a laissé son
portefeuille avec des papiers et des photos et elle voulait les rendre
à la famille.
Je vais aller à Meisenthal le 17 novembre prochain pour interviewer Joséphine et sa sœur aînée.
Est-ce que tu peux me
donner quelques détails sur les troupes américaines qui se trouvaient
dans cette région et une idée à quelle époque cela pouvait être ?
Ma cousine ne sait pas avec quelle division son père était, si il était avec Patton ou quelqu'un d'autre et à quel moment… »
Une rapide recherche, et dans l’heure, une réponse à Peggy :
Charles I. Lobel, était sous-lieutenant, il a servi dans la 70th Infantry Division, 274th Infantry Regiment, Anti-tank company.
Les trois régiments
d’infanterie de la 70th Infantry Division, 274th I.R., 275th I.R. et
276th I.R., débarquent à Marseille entre le 10 et le 15 décembre 1944.
Jusqu’à l’arrivée des autres unités de la division, ils constituent la
« Task Force Herren » qui sera engagée dès le 28 décembre dans le
secteur de Bischwiller, Philipsbourg et Wingen (proximité de
Meisenthal) pour arrêter la contre-offensive allemande « Opération
Nordwind ».
C’est donc à Peggy que revient la mission de récupérer les documents oubliés, début 1945, par Charles Lobel, son cousin éloigné.
Les évènements sociaux de la fin d’année 2018, conduisent à reporter le rendez-vous au 16 février.
Ce jour là, Peggy
rencontre enfin et interviewe, à Meisenthal, les trois sœurs Meyer,
Marie, née le 20 octobre 1929, Joséphine, née le 18 mars 1938, et
Andrée, née le 27 mars 1942.
Toutes trois, ainsi que
Joseph, l’époux d’Andrée, évoquent leurs souvenirs de l’arrivée des
Allemands en 1940, de l’annexion, de l’occupation, et enfin de la
Libération. Une page d’histoire particulière liée à un territoire déjà
annexé de 1870 à 1919.
C’est Joséphine qui en
1959, après son mariage, venue s’installer dans la maison familiale, a
retrouvé, dans un vieux fourneau en faïence, le portefeuille laissé là
par Charles Lobel en 1945.
La maison familiale déjà
réquisitionnée par les Allemands pour y installer une infirmerie, avait
été réutilisée par les Américains aux mêmes fins. Les trois filles
Meyer se souvenaient d’un soldat américain cherchant désespérément
quelque chose avant de partir…
Ce n’est qu’à l’automne
2018, que Céline, la petite-fille de Joséphine, professeur d’histoire,
a fait des recherches sur Internet pour retrouver le propriétaire du
portefeuille retrouvé par sa grand-mère il y a 60 ans cette année !
Une recherche
fructueuse, puisque Céline a réussi à retrouver la veuve et la fille de
Charles Lobel, disparu il y a quelques années.
Avant de prendre contact
avec sa cousine Peggy, pour l’informer de cette découverte, Meredith
Lobel Angel, fille de Charles, avait répondu à Céline qu’elle aimerait
bien venir à Meisenthal avec sa fille pour récupérer l’objet laissé par
son père…
60 ans après, le porte feuille a retrouvé la famille de son propriétaire !
Mais l’histoire ne
s’arrête pas là, Joséphine, enthousiasmée de sa rencontre avec Peggy a
tenu à lui offrir une magnifique douille d’obus gravée par son cousin
Bernard Fleck ! Bernard qui a appris cet art avec un ancien combattant
de la Première Guerre mondiale !
A son retour à Paris,
renseignements pris, les formalités administratives liées à la
conjoncture mondiale, rendant difficile un envoi postal vers les
Etats-Unis, Peggy avec l’accord de Joséphine et de Céline a proposé de
déposer cette douille à l’Espace de Mémoire… une magnifique pièce qui
dès aujourd’hui a trouvé sa place aux cotés d’autres douilles gravées…
toutes datées de la Seconde Guerre mondiale !
Joséphine Zion ayant
fait savoir qu’il était possible que son cousin Bernard Fleck vienne à
Vézelise pour visiter l’Espace de Mémoire, … et que si c’était le cas,
elle envisageait de l’accompagner !
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Un très grand MERCI à Peggy, Joséphine, Céline et Geneviève pour ces dons
qui peuvent être admirés à partir d’aujourd’hui dans l’Espace de Mémoire !