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INVITATION
Conférence Nissim de Camondo et la Grande Guerre 1914-1917
Sylvie Legrand-Rossi
Mercredi 18 octobre 2017 à 18h30 Hôtel du département
Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle
48 esplanade Jacques Baudot
54000 NANCY
Le
musée Nissim de Camondo, inauguré en décembre 1936, est situé dans le
8e arrondissement de Paris, dans l'hôtel Moïse de Camondo, construit
par René Sergent entre 1911 et 1914 en bordure du parc Monceau. Il
abrite une collection exceptionnelle de mobilier et d'objets d'art du
xviiie siècle français dans une riche demeure grand-bourgeoise,
préservée dans l'état où elle était habitée au début du XXxxe siècle.
Historique
L'hôtel particulier fut
construit en 1912 par l'architecte René Sergent, à la demande du comte
Moïse de Camondo, en lieu et place de l'ancien hôtel qui avait
appartenu à ses parents, démoli en 1911 à l'exception du bâtiment sur
rue. L’hôtel détruit est connu sous le nom d’hôtel Violet . Cet hôtel
"eut une autre vie. Une existence de papier, de rêve, de fiction.
[...]. De cette maison, Émile Zola avait fait un symbole. Pour des
milliers de lecteurs à travers le monde, l'hôtel Saccard existe bel et
bien. [...] Durant ses repérages l'écrivain avait certes visité
d'autres hauts lieux de la plaine [Monceaux].Ils lui inspirèrent tel ou
tel détail. MAIS L'ESSENTIEL DÉCOULAIT DE SON OBSERVATION METHODIQUE DE
L'HÔTEL DE M. VIOLET, DU MOINS DE SON ARCHITECTURE ET DE SON
AGENCEMENT". in Le dernier des Camondo, Pierre Assoulin, Paris 1999. Le
nouvel édifice s'inspire du Petit Trianon de Versailles. Moïse de
Camondo y installa ses collections, qu'il ne cessa d'augmenter jusqu'à
sa mort, le 14 novembre 1935.
Le jardin, comme dans nombre
d'autres demeures prestigieuses de cette époque, est dessiné par le
célèbre architecte-paysagiste Achille Duchêne.
Par testament, l'hôtel et les
collections qu'il renfermait furent légués à l'Union centrale des arts
décoratifs pour devenir le musée Nissim-de-Camondo, en mémoire de son
fils Nissim (1892-1917), lieutenant de l'escadrille MF 33 abattu en
combat aérien le 5 septembre 1917 au-dessus du territoire de la commune
de Leintrey en Meurthe-et-Moselle.
Le Musée
Pour l’amour de l’art
Au début du xixe siècle, les
Camondo, une famille juive sépharade, avaient fondé une banque qui
était devenue l’une des plus importantes de l’Empire ottoman.
Ils avaient été anoblis en 1867 par Victor-Emmanuel II en remerciement de leur soutien financier à la réunification de l’Italie.
À la fin du Second Empire,
les deux frères Camondo, Abraham-Behor et Nissim, quittent
Constantinople(aujourd'hui Istanbul) et se fixent à Paris où leur
banque est établie depuis 1869.
Leurs fils, les cousins Isaac
et Moïse, deviennent, sous la IIIe République, des collectionneurs
avertis et des personnalités bien connues dans le monde de l’art.
Moïse se passionne presque
exclusivement pour le xviiie siècle français; pendant plus de cinquante
ans il achète aux ventes des plus grands amateurs d'art de l'époque :
le baron Jérôme Pichon (1878), le baronLéopold Double (1881), Pierre
Decourcelle (1911), Joseph Bardac, Mme de Polès
(1927), Stroganoff (1931),Mme Louis Burat, Georges Haviland, Georges Blumenthal (1932), Charles Ephrussi, Mme C. Lelong, etc.
Dans un Paris devenu le
centre européen du négoce d'art à la charnière des deux siècles, il
réunit ainsi une collection unique de rares meubles et objets d'art
décoratif issus du riche patrimoine de l'ancienne aristocratie
française mis alors sur le marché, et un ensemble de boiseries
anciennes pour leur servir de cadre. Depuis 1890, il est client
régulier des Seligmann père et fils, célèbres antiquaires parisiens
d'origine juive allemande :
·
Jacques, installé rue des Mathurins, puis 23, place Vendôme à Paris,
ouvre en 1905 une galerie à New-York, et achète en 1909 l'ancien hôtel
de Sagan rue Saint-Dominique; il vend entre autres à Moïse de Camondo
des pièces de la fameuse collection Hertford-Wallace, qui ornaient la
célèbre « folie » de Bagatelle et un appartement de maître au 2, rue
Lafitte, achetées en 1914 à Lady Sackville-West, héritière du
secrétaire, fils adoptif et légataire des Wallace; la même année, il
lui cède un mobilier de salon Louis XVI pour la somme de 900 000
francs-or« payable en 28 mensualités sur 4 ans », qui est exposé dans
le grand salon.
·
Arnold, devenu son fournisseur attitré et qui partage son goût pour la
symétrie, lui déniche en Angleterre le pendant d'un « meuble d'appui »
en laque par l'ébéniste Garnier, que les deux frères avaient vendu à
Camondo trente ans avant1.
Afin de mettre en valeur ses
collections, il fait construire une vaste demeure d’apparence
classique, mais dotée du dernier confort moderne.
La bibliothèque lambrissée
« Au printemps 1914, l'hôtel
fraîchement terminé, plusieurs réceptions avaient été données : Le
grand salon était le centre de l'animation. Les invités, admiratifs,
s'y pressaient pour venir féliciter M. le Comte (qui) tendu et inquiet,
s'était constamment tenu à proximité de ce petit bureau orné de plaques
de porcelaine, redoutant une bousculade, guettant le geste maladroit
qui n'aurait pas manqué de réduire ce chef-d'œuvre en miettes... »2.
Mais en août suivant, la Première Guerre mondiale éclate et, en
septembre 1917, son fils Nissim meurt célibataire à 26 ans dans un
combat aérien.
Agencement et legs
Jusqu’à sa mort en 1935,
Camondo s’emploie à parachever son œuvre de « reconstitution d’une
demeure aristocratique du xviiie siècle » :
« Seule comptait vraiment
encore à ses yeux sa collection d'œuvres d'art. Jusqu'au bout, il
songea à l'enrichir. Oserait-on dire : à la perfectionner ? Rien ne
l'excitait plus comme de traquer l'œuvre introuvable »3. Bien que
Camondo ait pour autre héritier sa fille Béatrice, il décide - en
excédant la quotité disponible de son patrimoine - de léguer l’hôtel et
les collections à l'Union Centrale des Arts Décoratifs (U.C.A.D.) et à
l’État français, et il est inauguré et ouvert au public en décembre
1936. Le musée montre les collections dans la présentation choisie par
lui :
Le musée de 1940 à 1945
Quatre ans plus tard, en
1940, les musées nationaux firent transporter tout son contenu, avec
d'autres très importantes collections publiques et privées - dont celle
des Rothschild et desDavid-Weill - au château de Valençay, alors habité
par le duc de Talleyrand, prince de Sagan, dépôt d'œuvres d'art qui fut
confié à Gérald Van der Kemp, et qui faillirent disparaître dans
l'incendie allumé dans le château par la 2e division SS Das Reich.
En décembre 1942 Béatrice de
Camondo, fille du donateur et sa fille Fanny sont arrêtées par la
police française à leur domicile de Neuilly, puis son époux Léon
Reinach et son fils Bertrand, en fuite vers l'Espagne et trahis par un
passeur à Sentein (Ariège) le sont également; en 1943 les quatre sont
internés au camp de Drancy; en novembre 1943, le père et les enfants
sont déportés avec 1 200 juifs, puis en mars 1944 ce sera Béatrice,
avec 1 501 juifs, vers le camp d’Auschwitz-Birkenau, où ils
disparaîtront en 1943 et 1945.
Le Musée, offert par son créateur à l'État français puis vidé par précaution, fut fermé jusqu'à la fin de la Guerre.
La « renaissance » de Camondo
Depuis la création en 1985 du
Comité pour Camondo, grâce à un mécénat international, la maison, dont
le décor vieux de 70 ans et le mobilier avaient plus ou moins bien
vieilli, a retrouvé peu à peu son lustre d'antan : tissus retissés à
l’identique, meubles, tableaux et objets restaurés. La photographie
sans flash est autorisée.