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   Bon anniversaire Yvette !  

Bon anniversaire à Yvette Weisbecker qui fête aujourd’hui ses 98 printemps !

Un anniversaire anticipé de quelques heures par une quarantaine de ses amis, réunis pour l’occasion, hier, dans son appartement de Nancy.
L’occasion aussi de rappeler le parcours de cette personnalité hors du commun.
Yvette Resnick est née à Blâmont le 17 décembre 1919. Son père Aria est russe, sa mère Anna est polonaise, tous deux sont juifs. Ils sont arrivés en France en 1904. Après 6 ans passés à Paris, ils arrivent à Blâmont en 1910.
Quand éclate la Première Guerre mondiale, Aria qui souhaite défendre ce pays qu’il admire, décide de s’engager. Pour ce faire, il se fait passer pour Alsacien-Lorrain, et est incorporé au 30ème Régiment d’Infanterie. Le 24 avril 1918, lors de la Bataille des Flandres, il est sérieusement blessé et reste bloqué durant deux jours partiellement enseveli dans sa tranchée. Ce sont les Allemands qui le dégageront et découvriront qu’il a une jambe arrachée. La gangue de terre qui le retient prisonnier a fait office de garrot et a empêché qu’il ne se vide de son sang. Soigné, amputé, il finira la guerre comme prisonnier.
La guerre terminée, la famille Resnick revient à Blâmont en 1919. Aria est naturalisé en 1922, Anna et leurs deux filles le sont en 1924.  Yvette et sa sœur ainée Marguerite sont adoptées « Pupilles de la Nation ».
Après avoir fréquentée l’école primaire de Blâmont, Yvette est pensionnaire à l’école supérieure de Pont-à-Mousson. Puis elle entre à l’Ecole Normale d’Institutrice, promotion 1937-1940.
A la rentrée 1940, elle est nommée à titre provisoire à l’école de Blémerey (canton de Blâmont). Le 11 novembre, elle hisse le drapeau français au fronton de son école. Le 14 novembre, elle reçoit « la notification de sa déchéance des droits à enseigner, en application du statut des juifs promulgué par l’Etat français le 3 octobre 1940 ».
Yvette s’installe alors à Nancy, où le Docteur Meignant, qui fut son professeur à l’Ecole Normale, lui propose de donner des leçons particulières à des jeunes « retardés » de ses patients.
19 juillet 1942, Yvette est réveillée par Sam Spiegel, son beau-frère, le mari de Marguerite. Il faut fuir en zone libre.
C’est la première rafle de Nancy. Rafle qui échoue grâce à l’action exemplaire, et maintenant reconnue, des policiers du service des étrangers de Nancy, dirigé par Edouard Vigneron. Marguerite, son ainée de 11 ans, et Yvette, tentent en vain de convaincre leurs parents de les suivre. Confiants dans la France, se croyant protégés par les glorieux faits de guerre d’Aria, par son statut d’Ancien Combattant de la « Grande Guerre », ses décorations (il est Officier de la Légion d’Honneur), ceux-ci refusent de fuir le danger.
Commence alors pour Yvette, Marguerite, Sam, et leur fils Jean-Maurice, un exode qui durera plus de deux ans. Un exil parsemé d’embuches, ou de sordides dénonciations seront contrariées par d’admirables gestes de solidarité.
Munis de faux papiers établis par Eugénie Bergé de Vandoeuvre, ils se réfugient en Zone Libre.
Installés à Palluau-sur-Indre (Indre), Yvette et sa famille sont dénoncées par le brigadier de gendarmerie. Informés par un gendarme, aidés par une employée des postes, recommandés par Monsieur Petit, greffier au tribunal de Nancy, ils se réfugient au printemps 1943 à Toucy dans l’Yonne.
Pour les parents d’Yvette, la vie bascule le 13 août 1943, Anna est arrêtée à son domicile de Blâmont, en même temps qu’une trentaine d’israélites. Aria s’en sort miraculeusement, il était parti très tôt pour s’occuper de son jardin. Il est prévenu par une voisine qui lui impose de se cacher. Monsieur Crouzier, le maire de Blâmont donne de l’argent à Aria pour lui permettre de fuir et de rejoindre sa famille réfugiée dans l’Yonne.
Anna, elle sera internée à Ecrouves, transférée à Drancy le 11 octobre, avant d’être déportée à Auschwitz le 28 octobre 1943. Elle est déclarée décédée le 2 novembre 1943.
A Toucy, la famille est installée dans une maison près de la forêt. Les fugitifs sont protégés par Pierre André, brigadier de gendarmerie et par Michel Martiré le secrétaire de mairie.  Tous deux seront faits « Justes parmi les nations » à titre posthume, en novembre 2009, à la suite des démarches engagées par Yvette.
Il y a quelques mois, (juin 2017), le nom de Pierre André était donné à la gendarmerie de Toucy. Yvette assistait à la cérémonie.
Fin août 1944, c’est enfin la Libération tant attendue.
Yvette rejoint Paris en auto-stop, et s’engage dans la Mission Française de Rapatriement.
Elle veut savoir ce qui est arrivé à sa mère. Entendant les témoignages des rapatriés, elle découvre l’horreur des camps de concentrations, et la barbarie du régime nazi. Elle apprend les circonstances du décès de son oncle Julien Kleidman, le frère de sa mère, déporté le 22 juin 1942.
Démobilisée, elle rentre à Nancy début 1947, et entre dans  l’Association Lorraine pour la Défense de l’Enfance et de l’Adolescence, l’ALSEA. Le docteur Meignant lui présente le Doyen Parisot fondateur de l’Office d’Hygiène Sociale de Meurthe-et-Moselle. Elle leur présente son projet de création d’une structure destinée à accueillir et à éduquer des jeunes filles en rupture de ban.
Son projet accepté, ils lui font visiter les maisons disponibles appartenant à l’OHS. C’est Yvette qui choisit le « château » de Han sur Seille. « Une élégante » demeure endommagée par la guerre.. Elle fait la connaissance des gardiens Auguste et Catherine Iung, arrivés en 1920, et restés seuls avec leurs trois enfants dans la maison dévastée.
Mai 1947, le projet d’Yvette voit le jour, tout reste à faire. Avec très peu de moyens, il faudra tout faire soit même. Auguste commence les réparations les plus urgentes, le père d’Yvette vient s’installer sur place et apporte sa pierre à l’édifice.
Le concept d’Yvette est révolutionnaire pour l’époque,  tout le monde doit participer aux travaux, et à l’organisation de la structure. Les pensionnaires seront associées aux décisions et à l’organisation de la discipline. La première adolescente arrive en octobre 1947 : au programme : alternance des travaux d’aménagement et travaux scolaires.
La structure prend forme, pensionnaires, et volontaires arrivent et s’investissent à fond dans le projet. Des dons arrivent même de l’étranger. Le centre de rééducation devient un « centre éducatif et professionnel », qui se transforme bientôt en « communauté d’enfants de Han ». Le rêve d’Yvette est devenu réalité.
Elle en sera la directrice pendant 10 ans. C’est à Han qu’elle rencontrera André Weisbecker qui deviendra son mari en 1956.
Des problèmes de santé, et la naissance de son fils obligent Yvette à passer la main en 1957, ce qui entraine la fin de l’aventure.
En 10 ans, 159 fillettes et jeunes filles  étaient passées par la maison de Han.
En 1956, Yvette était réintégrée dans l’Education Nationale.
En 1958, André, son mari est nommé enseignant dans un lycée de Saint-Dizier. Yvette se voit en charge de l’ouverture d’une nouvelle école dans le quartier du « Vert Bois » en cours d’aménagement.
En 1964, tous deux reviennent sur Nancy, André à l’Ecole Normale, Yvette est nommée directrice de l’Ecole d’Application, poste qu’elle occupera jusqu’à sa retraite prise en 1974.
16 novembre 2016, Elle recevait le titre de commandeur des Palmes académiques. Le plus élevé des trois grades de cet ordre lui a été remis à l’inspection académique rue d’Auxonne.
A cette occasion, évoquant « sa » maison de Han, elle déclarait : « C’était une ancienne demeure qui avait été bombardée. Je trouvais magnifique de mettre des jeunes filles perdues dans une maison à reconstruire. Elles avaient à se reconstruire elles-mêmes. Et j’avais besoin moi aussi de me reconstruire… » Pendant 10 ans, elle a dirigé cette maison « sans inégalités, sans hiérarchie, sans sanction ».
Le centre existe toujours. Il héberge des mineurs en difficultés.


Portrait complet d’Yvette à retrouver sur le site de l’association

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