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Dans les coulisses d’une recherche :
   La maison de Patton identifiée … grâce à une photo de Marlène Dietrich !  
Le bâtiment dans lequel résidait Patton à Nancy formellement identifié grâce à une photo … de Marlene Dietrich ! 

Fin mai 2015, réception d’un message de James Sudmeier, un chercheur américain domicilié dans le Wisconsin, qui recherche des informations sur le lieu où résidait Patton en 1944. Jim prépare un nouvel article sur Patton, et en particulier sur les bombardements de Nancy, par un canon allemand de 280 mm sur voie ferrée, en octobre 1944. Patton ayant eu « la pire frayeur de sa carrière » selon ses propres dires, la nuit où l’un de ces projectiles détruisit la maison située juste en face du bâtiment dans laquelle il résidait. Patton se rendit immédiatement sur place pour aider à dégager les victimes.
Jim Sudmeier n’est pas un inconnu. Une première demande en 2001 concernait le Capitaine  Hardaway, l’aide de camp du Général Eddy, le commandant le XIIème Corps d’Armée US en 1944.
Une seconde en 2004, avec une journée complète passée sur les lieux où s’était illustré, début novembre 1944, le 761st Tank Battalion, la première unité de tankistes noirs de l’Armée Américaine. Jim travaillait alors avec Joe Wilson, fils de l’un des tankistes du 761st TBn, auteur du livre « The 761st Black Panther Tank Battalion in World War II ».
Pour cette nouvelle recherche, Jim a déjà étudié une multitude d’ouvrages américains, dont beaucoup rédigés par d’anciens officiers supérieurs de la 3ème Armée US. Fouillant dans toute cette littérature, Jim a collecté de nombreuses informations, quant aux différents lieux occupés par l’armée américaine après la Libération de Nancy. En revanche, ces informations ne fournissent des adresses précises que pour le logement des troupes et unités de commandement.
La question est donc tout naturellement posée à notre amie Matou. Qui donc était mieux placé qu’elle pour y répondre ? Sans hésiter, notre doyenne répond « rue d’Auxonne, mais où exactement, je ne le sais pas, mon bureau était rue des Glacis, je n’ai jamais été chez lui à Nancy. »
La réponse est envoyée à Jim, qui après une recherche sur Google Map, conclut que ce ne peut être qu’au n° 8, une belle maison « école de Nancy » parfaite pour l’illustre général !
Une semaine plus tard, Jim prend contact avec les responsables de la revue britannique « After the Battle » pour proposer son article. Le surlendemain, Karel Margry, éditeur du journal répond à Jim, il semble manifestement intéressé par le sujet. Dès lors, lui également se lancera dans des recherches auprès de ses contacts pour tenter de trouver des informations qui pourraient être utiles.
Une semaine plus tard, nouveau message de Karel à Jim. Le QG de Patton était situé Caserne Molitor à Nancy. Karel se base sur le témoignage du Chaplain James Hugh O'Neill, prêtre catholique, qui servit dans la 3ème Armée en 1944-1945.(1892–1972)
L’occasion de revenir sur la véritable histoire de la « Prière de Patton ». C’est bien à Nancy, dans l’enceinte de la Caserne Molitor, que le 8 décembre 1944 au matin, Patton téléphone au Chaplain O’Neill pour lui demander de préparer une prière pour implorer le ciel de lui accorder une météo plus favorable. « Nous devons faire quelque chose contre cette pluie si nous voulons gagner la guerre ! ». N’ayant pas de prière toute prête, James O’Neill prend une carte de 3 pouces par 5 pouces (environ 7,5 x 12,5 cm), et s’attelle à la tâche. Il rédige la « fameuse » prière :
« Père tout puissant et très miséricordieux, nous t'implorons humblement de bien vouloir, de par ta grande bonté, restreindre ces pluies immodérées contre lesquelles nous avons eu à lutter. Veuille nous accorder un beau temps pour la bataille. Daigne prêter l'oreille à nos prières, nous les soldats qui t'invoquons pour que, armés par ta puissance, nous puissions avancer de victoire en victoire, nous puissions écraser nos ennemis, les mettant hors d'état de poursuivre leur oppression et leur œuvres perverses, pour que nous puissions établir ta justice parmi les hommes et les nations. Amen."
La prière achevée, l’aumônier, retourne la carte, et nous sommes en décembre, conformément à une tradition américaine, il rédige un message de vœux du Général Patton à tous ses soldats.  Il traverse alors la cour, va soumettre le tout au général. Patton lit la prière, l’approuve, signe le message de vœux, et donne l’ordre d’en faire imprimer immédiatement  250 000 exemplaires à distribuer à tous les hommes de la 3ème Armée.
Les hommes de la 664th Engineer Topographical Company, vont travailler jour et nuit pour imprimer ces 250 000  cartes qui seront distribuées les 11 et 12 décembre 1944, soit 4 jours avant le déclanchement de la Bataille des Ardennes. Cette prière est bien souvent confondue avec une autre rédigée par Patton lors de la Bataille des Ardennes.

Juin-août, les recherches de Jim Sudmeier se poursuivent, il continue à collecter toutes les informations disponibles sur le sujet.
Pour lui, le n° 8 de la rue d’Auxonne reste favori, y compris après un message le 19 août l’invitant à jeter un coup d’œil sur le bâtiment ancien situé au n° 4.


Le 26 août, découverte aux archives du rapport de police relatant, et LOCALISANT, les bombardements du 24 octobre 1944. Ce document fait état de la destruction d’une maison d’habitation au 5 de la rue d’Auxonne. Dans « les carnets secrets de Patton, 1940-1945 », Martin Blumenson reproduit un extrait d’une lettre envoyée par le général à sa femme Béatrice. Lettre dans laquelle il commence par « aujourd’hui j’ai bien failli perdre ma 3ème Armée et ma vie », avant de raconter comment il a traversé la rue pour porter secours aux blessés.




« Carnets secrets du Général Patton »,

Martin Blumenson, PLON 1975

Nancy, 5 rue d’Auxonne, photo prise par Patton lui-même


<= Bien informés les artilleurs ?

 

Le jour même Jim est informé, et invité à regarder encore de plus près le n° 4 de la rue d’Auxonne…
8 septembre : lors des cérémonies organisées pour commémorer le 71ème anniversaire de la Libération de la ville, rencontre à la mairie de Nancy avec M. Strugarek, directeur des services départementaux de l’Education Nationale, dont les services sont implantés au n° 4 de la rue d’Auxonne. L’hypothèse est évoquée, et il est même envisagé d’apposer une plaque sur le bâtiment s’il était possible d’apporter la preuve que Patton avait bien résidé là à l’automne 1944.
Le temps passe, Jim prépare son voyage en France, où il compte venir pour le 50ème anniversaire de sa fille, et profiter de l’occasion pour venir à Nancy, prendre des photos des sites touchés par les bombardements allemands du 24 octobre 1944. 14 points ont été localisés et reportés sur un plan de Nancy de 1940, il ne reste à Jim qu’à les géolocaliser.
Patton n’avait pas exagéré, 3 obus sont effectivement tombés à proximité immédiate du 4, de la rue d’Auxonne, et 9 sur 15 sont tombés pas très loin.
Bien informés les artilleurs ennemis ?

<= Le K 5 du tunnel d’Ebersviller, neutralisé par l’artillerie américaine le 8 octobre 1944
Dessin de Steve Noon, “Metz 1944” Steven J Zaloga, Osprey
28-cm-Kanone 5 (E) : le "K 5" fut développé à partir de 1934 par Friedrich Krupp et était produit dès 1937 de février 1940 jusqu'à 1945, cette fabrique construira 25 engins.
Jim enquête également sur le canon qui serait à l’origine de ces tirs. Un canon de 280 mm sur voie ferrée, qui en journée serait caché dans un tunnel, ne serait sorti que de nuit pour échapper aux observations aériennes, et tirer sur Nancy. Neuf obus étaient déjà tombés sur la ville la nuit du 10 au 11 octobre 1944.
Après les tirs du 24, côté américain, des ordres avaient été donnés de faire taire cette pièce d’artillerie.
8 décembre : Jim sollicite un historien retraité de l’US Air Force qui accepte de lui faire quelques recherches dans les archives de l’armée de l’air américaine. 
Début janvier 2016, les choses s’accélèrent.
George Cully, l’historien de l’US Air Force, transmet à Jim le résultat de ses recherches : des rapports de mission du 362ème Fighter Group relatant le bombardement des entrées et sorties d’un tunnel le 28 octobre 1944. Il n’y eu plus d’autres tirs après ceux du 24.
Le 7 janvier, Jim reprend contact avec Karel Margry, le tient informé de l’avancement de ses recherches, lui annonce sa prochaine visite en France et son intention de venir à Nancy, et enfin lui renouvelle sa proposition de rédiger un article pour son journal.
Visiblement intéressé, Karel multiplie également les recherches de son côté, il sollicite un de ses amis, un chercheur néerlandais, Peter Hendrikx, qui connait particulièrement bien le fonds photographique de la famille Patton à qui il a rendu visite à plusieurs reprises. Celui-ci lui transmet plusieurs photos de la visite d’Eisenhower à Patton à Nancy le 17 octobre 1944. « Ces photos devraient vous permettre de retrouver l’endroit où était le QG de Patton quand vous serez à Nancy », (à part une, ces photos ont manifestement toutes été prises dans une caserne).
Le 14, Karel transmet à Jim une nouvelle photo extraite d’un ouvrage de Paul D. Harkins dont la légende indique « Le QG de Patton à Nancy en octobre 1944 au 10 de la rue d’Auxonne ». Sur la photo, la « Chaumière » de Louis Guingot.
Karel ajoute « Paul D. Harkins était chef d’état-major de Patton, donc il doit avoir raison. Aussi, lorsque vous serez à Nancy, concentrez-vous sur les photos de la visite d’Eisenhower, ainsi que sur la maison figurant sur la photo de Paul D. Harkins. Si vous le souhaitez, vous pouvez prendre quelques photos des maisons situées au 4 et au 8 de la rue d’Auxonne, mais juste au cas où… »

Le 16, Karel transmet une nouvelle photo reçue de son ami Peter. Cette photo prise par Patton lui-même, reproduite dans l’ouvrage  « War as he Saw it » de Kevin M. Hymel montre la maison détruite la nuit du 24 octobre 1944.

Le 18, Jim remercie Karel, et lui transmet tous les éléments en sa possession, concluant que maintenant, c’est le 4 de la rue d’Auxonne qui lui semble l’hypothèse la plus probable … Conclusion à laquelle se rallie Karel le lendemain.
Jim rassemble alors tous ces éléments, prépare ses cartes, se basant sur les points où sont tombés les obus de 280 mm le 24 octobre, trace des courbes, extrapole, tente de localiser le tunnel où était caché le canon … tout est prêt pour le départ.

1er février : une coïncidence invraisemblable,  nous sommes la veille de l’arrivée de Jim à Nancy.  Jean-Louis Etienne, qui travaille actuellement à la préparation d’un ouvrage consacré à la Seconde Guerre mondiale en Meurthe-et-Moselle, découvre aux archives départementales, un document indiquant que le « château » était alors propriété de Marcel Paul-Cavallier, qu’il avait été occupé par les Allemands depuis 1940 jusqu’à la Libération (la « Feldnachrichtenkommandantur 16 », source : Stefan Martens, historien, directeur adjoint de l’Institut Historique allemand à Paris).
Le régisseur du château résidait lui au n° 10 …  « La chaumière » de Louis Guingot !

Cette découverte confirme déjà que le « château » avait été occupé par les Américains en 1944. Reste encore à prouver que c’était là que résidait Patton.
En entendant le nom de Paul-Cavallier, un flash soudain, une intuition, liée à la similitude des noms,  … une photo qui revient en mémoire, une photo que Gino Tognolli avait envoyée près de 10 ans plus tôt alors que sa femme était secrétaire générale à la mairie de Maxéville, une photo sur laquelle posaient Patton et Marlène Dietrich. A l’époque, la mairie de Maxéville demandait s’il était possible de confirmer qu’elle avait été bien prise au Domaine de Gentilly appartenant alors à la famille Cavallier. Ce  qu’il avait été impossible d’affirmer. 
Et si par hasard cette photo avait été prise au n° 4, rue d’Auxonne ?
Le nom de famille du propriétaire ne serait-il pas à l’origine d’une confusion sur le lieu où aurait été pris le cliché ?
De Dijon d’où il téléphone pour prévenir de son arrivée à Nancy, Jim est informé de cette découverte.
Il existe sur Internet une seconde photo de Patton et Marlène prise, sans nul doute possible, le même jour au même endroit. C’est cette seconde photo qui est imprimée pour Jim, et qui lui est remise le lendemain, le jour de son arrivée lorsqu’il vient dire un petit bonjour et faire un point sur ces nouvelles découvertes.

Merci à Silke Ronneburg, de la Deutsche Kinemathek – « Marlene Dietrich Collection Berlin »

Qui a fait savoir aujourd’hui que ces photos font partie d’une collection de 8 clichés pris à Nancy en octobre 1944, et dont l’auteur est Teddy Piaz photographe à Paris
http://memoiredemaxeville.fr/site/2011/10/06/le-domaine-de-gentilly/

L’occasion aussi d’un contact téléphonique avec Isabelle Mangin.

Un rendez-vous a été pris pour lui le lendemain à la Direction départementale des services de l’Education Nationale, au 4 de la rue d’Auxonne.

« La mission Jim, si vous l’acceptez, … est, demain lors de votre visite, d’essayer de voir si cette photo n’aurait pas été prise au 4 de la rue d’Auxonne … ». Eclats de rire de Jim qui découvre cette photo qu’il ne connaissait pas, et qui « accepte la mission ».

Le programme du 3 est chargé, Jim qui est accompagné de son épouse Jilly, a rendez-vous à 11h00 à la DSDEN, puis circuit dans Nancy pour aller photographier tous les lieux où sont tombés les obus allemands de 280 mm le 24 octobre 1944, et enfin, en fin d’après-midi une rencontre avec Jean-Louis Etienne aux Archives.
3 février, lorsqu’il arrive pour rencontrer Jean-Louis Etienne, et faire son débriefing, Jim est radieux. A la DSDEN, il a rencontré Madame Claudon, qui connait bien la maison.
Journée faste pour Jim qui aura l’occasion de rencontrer également plusieurs personnes avec lesquelles il a pu évoquer les bombardements du 24 octobre 1944 !
4 février, c’est à Teterchen que Jim et Jilly vont passer la journée pour essayer d’avoir confirmation que c’est bien dans ce tunnel ferroviaire qu’était caché le canon de 280 mm qui tirait sur Nancy le 24 octobre, et dont les extrémités ont été neutralisées par les bombes des chasseurs bombardiers P-47 du 362ème Fighter Group.
Là encore des rencontres intéressantes et des pistes.
5 février : Jim et Jilly reprennent la route pour Annecy et faire une surprise à la fille de Jim qui fête ses 50 printemps.
10 février : Tandis que Jilly va faire une petite escale à Liverpool pour passer quelques jours chez sa mère, Jim est rentré chez lui dans le Wisconsin où il va maintenant pouvoir rédiger son article pour le magazine « After the battle » !





Nancy, 3 février 2016, Jean-Louis Etienne, son épouse, Jim Sudmeier et Jilly



Résidence de Patton à Nancy en 1944 :Merci à Jim Sudmeier pour l’envoi de ces photos qui complètent le dossier



Octobre 1944, Patton et Marlene Dietrich         


Nancy, 4, rue d’Auxonne, 3 février 2016, photo Jilly Sudmeier


Un des socles de pierre, identique à celui  situé derrière Patton
(photo Jilly Sudmeier)

«le « château » en 1950 (photo DSDEN)







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