FRANCE 3 BOURGOGNE : Jeannette
Guyot, originaire de Chalon-sur-Saône, est décédée le 10 avril 2016 à
l’âge de 97 ans. Elle était une des résistantes les plus décorées de
France.
Jeannette
Guyot, née en Saône-et-Loire, prit le nom de Jeannette Gauthier quand
elle travailla pour la
Résistance
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CND-Castille Jeannette Guyot, née en Saône-et-Loire, prit le nom de
Jeannette Gauthier quand elle travailla pour la Résistance - Base de
données du réseau de résistance de la Confrérie Notre-Dame
(CND-Castille)
Si la mort de Jeannette Guyot a été assez discrète en France, elle a
fait l’objet d’articles élogieux dans la presse britannique. Elle a été
l'une des rares femmes décorées de la Distinguished Service Cross
américaine pour son « héroïsme extraordinaire » sous l'occupation
allemande.
Jeannette Guyot s’engage dans la Résistance à 21 ans
Jeannette Guyot est née le 26 février 1919 à
Chalon-sur-Saône
en Saône-et-Loire. Peu après la défaite de la France en juin 1940, elle
et sa famille rejoignent la Résistance. Jusqu’en août 1941, Jeannette
Guyot travaille pour le réseau Amarante. Munie d’un laissez-passer
allemand, elle aide des personnes à quitter la zone occupée, en bateau,
sur la Saône, en direction de Vichy. En août 41, elle rencontre Gilbert
Renault, alias le Colonel Rémy, le chef du réseau Confrérie Notre-Dame
basé à Paris dont elle devient un des officiers de liaison tout en
continuant ses activités de passeur.
En
février 1942, elle est arrêtée et emprisonnée 3 mois à Chalon-sur-Saône
et Autun. Elle refuse de parler et, faute de preuves, elle est
relâchée. Elle reprend son travail de passeur et accompagne une
douzaine de personnes de l’autre côté de la ligne de démarcation.
Acte
engagement Jeannette Guyot dans les FFL (Forces françaises libres) -
Base de données du réseau de résistance de la Confrérie Notre-Dame
(CND-Castille) © CND-Castille
Elle entre dans le réseau « Phratrie »
En
juin 1942, le réseau du colonel Rémy est dénoncé, elle fuit à Lyon.
Elle y rencontre Jacques Robert. Il a été formé en Angleterre aux
opérations spéciales pour travailler aux côtés des Forces Françaises
libres et a créé en France le réseau « Phratrie ». Phratrie a été
considéré comme le “plus extraordinaire" de tous les réseaux des
Français libres. Il était organisé en plusieurs sous-groupes dont les
activités consistaient en la collecte de renseignements, le sabotage et
l’aide aux civils ou soldats alliés qui cherchaient à fuir la France.
Lorsque
les Allemands viennent occuper la France libre, la Gestapo s’intéresse
de plus en plus à Jeannette Guyot. Elle est « exfiltrée » avec Jacques
Robert dans la nuit du 13 mai 1943, lors d’une opération de la RAF
(Royal Air Force). Tous deux sont envoyés à Londres.
Jeannette Guyot intègre le « plan Sussex »
Jeannette
Guyot y retrouve le Colonel Rémy et entre dans les forces françaises
libres sous le pseudonyme de Jeannette Gauthier. Le colonel Rémy lui
assigne des tâches administratives mais elle demande à rentrer en
France. Elle est envoyée à Praewood House où elle subit un entrainement
aux techniques du renseignement dans le but d’intégrer le Plan Sussex.
Ce plan mené en appui du débarquement allié en Normandie avait pour
objectif de fournir des informations sur les mouvements de troupe
allemands.
Le
8 février 1944 est lancée l’opération Calanque. Après plusieurs
tentatives avortées du fait du mauvais temps, Jeannette Guyot aterrit
en parachute près de Loches (au sud-est de Tours) avec 3 autres
officiers français. Leur mission est de trouver des planques pour
d’autres membres du Plan Sussex. La mission est dangereuse, la Gestapo
est devenue très active et les services de détection radio des
Allemands sont
devenus très performants. Malgré cela, dans les 7 mois qui suivent, ils parviennent à trouver une 100aine de logements sûrs.
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La fiche de la résistante Jeannette Guyot qui figure dans la base de
données du réseau de résistance de la Confrérie Notre-Dame
(CND-Castille) © CND-Castille
La planque du « café du Sussex »
A
Paris, Jeannette Guyot réussit notamment à cacher –chez une cousine- le
radio de l’équipe au Café de l’Electricité au 8 de la rue Tournefort à
Montmartre. Comme Andrée Goubillon, la propriétaire l’a expliqué plus
tard à la BBC : “je savais quel type de travail elle était venue faire
et quand elle m’a demandé si j’étais prête à l’aider, j’ai répondu oui
sans hésitation. Le café était situé près du bureau de la Gestapo, mais
je savais ce que je faisais, je n’avais pas peur ». Le café a été
renommé ensuite le « café des Sussex ».
Depuis
son point de base à Paris, Jeannette Guyot a fait de nombreux voyages à
au nord de la France transportant des bagages qui –si elle avait été
arrêtée- l’aurait amené à être torturée et exécutée. Les informations
envoyées en Angleterre par les agents Sussex étaient de la plus haute
importance et les résultats ont dépassé les prévisions les plus
optimistes. Mais 10 agents y perdirent la vie.
« Elle a été l’héroïne des opérations spéciales du front ouest »
Après
la Libération de Paris, Jeannette Guyot a travaillé au service du
renseignement français et c’est là qu’elle a appris que son père –
négociant en bois- avait été déporté en Allemand au début de 1944 et
avait péri à Cham en Bavière. Sa mère, couturière, avait également été
arrêtée et déportée à Ravensbrück, un camp au nord de Berlin, où des
dizaines de milliers de femmes ont été tuées. Elle avait survécu et
faisait partie des 300 Françaises qui ont dû leur liberté à un accord
passé entre la Gestapo et la Croix Rouge Suisse en avril 1945.
Jeannette
Guyot a été faite Chevalier de la Légion d’honneur et a reçu la Croix
de guerre avec palmes. Elle a reçu la « American Distinguished Service
Cross », la 2ème plus haute décoration américaine. Une seule autre
femme l’a également obtenue durant la 2nde guerre mondiale. Elle a
également été décorée de la « British George Medal ». Au cours de la
cérémonie ont été loués ses grandes qualités d’initiative, son courage,
son endurance, « elle a été incontestablement l’héroïne des opérations
spéciales du front ouest ». Le discours a rappelé qu’elle s’était
engagée dans les missions les plus risquées ; son travail et son
attitude ont été couverts d’éloges.
En
juin 45, Jeannette Guyot s’est retirée à Sevrey près de
Chalon-sur-Saône où elle a épousé Marcel Gaucher, un autre agent du
Plan Sussex. Elle y a mené une vie tranquille évitant les medias. Elle
est morte le 10 avril 2016 laissant derrière elle deux filles et un
garçon.
Jeannette Guyot, la (trop) discrète disparition d'une femme de l'ombre
Cette grande figure de la Résistance en France est décédée dans la plus grande discrétion à 97 ans le mois dernier.
Par Le Point.fr
Publié le 09/05/2016 | Le Point.fr

Jeannette Guyot est partie dans la plus grande discrétion le mois dernier.
Personne
n'aura prononcé son nom ni honoré sa mémoire durant les commémorations
du 8 mai 1945. Et pourtant... Le mois dernier mourrait à 97 ans, dans
le silence, une citoyenne tranquille parmi les autres, et surtout
grande figure de la Résistance en France. Pourtant, Jeannette Guyot
aura été l'une des rares femmes décorées de la Distinguished Service
Cross américaine pour son « héroïsme extraordinaire » sous l'occupation
allemande. Celle qui est née à Chalon-sur-Saône le 26 février 1919 n'a
que 21 ans lorsqu'elle s'enrôle, en pleine Seconde Guerre mondiale,
dans un réseau clandestin. Sa mission : exfiltrer des agents vers la
zone sud administrée par le régime de Vichy.
La
jeune femme devient ensuite agent de liaison, chargée de transmettre
toutes sortes d'informations. Une fonction qui prend fin six mois plus
tard, en février 1942, lorsqu'elle est arrêtée puis emprisonnée.
Derrière les barreaux, Jeannette Guyot tient tête à tous ses
interrogateurs, s'enferme dans le mutisme, se rebiffe. Remise en
liberté faute de preuves, elle reprend aussitôt ses activités de
passeur sous la houlette du colonel Remy. L'organisation de ce dernier
sera, hélas, trahie quelque temps plus tard, en juin 1942. La jeune
Bourguignonne n'a d'autre choix que de se réfugier à Lyon.
Jeannette Gauthier
Dans
la nuit du 13 au 14 mai de l'année suivante, la résistante se voit même
exfiltrée à Londres à bord d'un avion de l'armée britannique, tant
l'étau de la Gestapo se resserre autour d'elle. Jeannette Guyot devient
Jeannette Gauthier. Envoyée à l'école de Praewood House, en banlieue
londonienne, elle suit une formation d'élite au renseignement militaire
aux côtés de 120 volontaires en vue du plan Sussex, dont le but est
d'épier les manœuvres militaires allemandes pour mettre sur pied le
débarquement des alliés en Normandie.
Réfractaire
aux tâches administratives, Jeannette, devenue lieutenant Guyot, se
languit du terrain. Le 8 février 1944, elle est parachutée à Loches,
dans le Val de Loire, afin de repérer des planques à destination des
agents de l'opération Sussex. Plus tard, elle ira jusqu'à cacher l'un
d'eux dans le Café de l'Électricité de Montmartre - rebaptisé depuis le
Café des Sussex - à deux pas d'un bureau de la Gestapo.
La
mission de Jeannette Guyot s'achève le 25 août 1944, avec la libération
de Paris. Si elle est restée discrète au sujet de son rôle lors de la
guerre, on sait qu'elle y a perdu son père, déporté en Allemagne, et
rencontré son époux, un agent nommé Marcel Gauchet. Ses actes de
bravoure ont été salués, en France, de la Légion d'honneur et de la
Croix de guerre, mais aussi de la British George Medal, en
Grande-Bretagne, où elle a reçu le titre honorifique d'officier de
l'ordre du British Empire. On comprend mieux pourquoi, de l'autre côté
de la Manche, le quotidien britannique The Daily Telegraph fut l'un des
premiers à annoncer sa mort. Mais en France, une héroïne s'est éteinte
dans le plus grand silence.