Pontoise le 22 janvier 2024, Chers tous, La Seconde Guerre Mondiale est fort bien documentée, avec les témoignages de soldats, résistants et rescapés illustres. Voici l'histoire d'un anonyme, mon grand-père, qui a vécu à cette période-là. Mon
grand-père Aloys (Loïs) Guillaume Félix MAËS est né le 22 janvier 1924
à ROSSELANGE en Moselle, peu après la 1ere guerre mondiale et le retour
de ce département à la FRANCE. Il est né d’un père luxembourgeois Jean
MAËS et d’une mère française Jeanne LAURENT. Mais
mon grand-père n’a jamais connu sa mère, elle est morte peu de temps
après l’avoir mis au monde, ce qui fut un grand manque pour lui. Il est
élevé par ses grands-parents maternels avec sa sœur aînée Lucienne, ils
ont été entourés d'amour. C’est
à l’âge de 7 ans qu’il doit quitter cette famille aimante car son père
remarié s’installe à SAINT NICOLAS DE PORT en Meurthe et Moselle. C’est
dans cette ville qu’il rencontrera ma grand-mère Adèle ZATKA et là où
il était, au début de la Seconde Guerre Mondiale. L’Armistice
de juin 1940 précipite la Moselle et l’Alsace dans le giron de
l’Allemagne avec une défrancisation sévère. Pour Loïs c’est risqué,
voire impossible d’y voir sa famille (grands-parents maternels, tantes,
oncles, cousines et cousins). Très
vite le jeune Loïs, 16 ans espiègle et casse-cou, brave le couvre-feu
pour le ravitaillement à vélo dans la campagne environnante ou pour
rejoindre ma grand-mère, et chahute la Wehrmacht installée dans les
casernes de SAINT NICOLAS DE PORT en plaçant des pommes de terre dans
les pots d’échappement… Il rêve de se battre. 1942
: le Service du Travail Obligatoire est un risque pesant sur tous les
esprits. Alors qu’il travaille avec son père qui tient un magasin de
vélo et d’électricité, il s’engage le 3 juillet 1942 dans la Marine
Militaire. Il a l'accord de son père, car il était encore mineur (18
ans). Basé à TOULON, il obtient tout juste son brevet de fusilier le 25
novembre 1942 que le sabordage de la flotte intervenu 2 jours après
soit le 27 novembre 1942, l’orientera vers la Résistance qu’il rejoint
en 1943 sous le pseudo de LEROUX, au sein du 42ème Groupe Lorraine.
Cette
période reste un peu floue pour moi. Mon grand-père a évoqué : la peur
dans les bois, le froid, la faim, les déménagements constants. A un
moment donné il y a eu des représailles commises par ses camarades qui
je pense l’ont marqué et expliqué qu’il n’a pas voulu échanger avec moi
sur cette période. Il a été marqué aussi par la mort d’amis Résistants
parfois plus vieux que lui et qui lui avaient témoigné dans ces heures
sombres un soutien fraternel d’aînés. Selon
la dédicace de Charles DANIEL, auteur de l’ouvrage du Crépuscule à
l’Aube, celui-ci « rend hommage à Mr MAËS Aloys, camarade des bons et
mauvais jours pour la libération, en souvenir de la forêt de CHARMES et
d’ailleurs et de l’auteur le sous-lieutenant PHILIPPE… sur les chemins
de l’aventure du Crépuscule à l’Aube avec le Groupe Lorraine 42. Une
page Lorraine que nous ne devons pas oublier. » Le diplôme d’Aloys MAES signé par le capitaine Thirion « Vignal »,
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Septembre 1944, Leménil-Mitry
Obsèques des maquisards
tués lors de l’assaut allemand
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Et
c’est pour ne pas oublier et lui rendre hommage pour son courage, que
sa famille veut témoigner de cela en ce 22 janvier 2024 : Aloys aurait
100 ans. Il nous a quittés le 8 décembre 2015, après une vie bien
remplie qui n’a rien d’ordinaire ! En
effet, après son engagement dans le Groupe Lorraine 42, il a été
rappelé dans la Marine le 15 janvier 1945 dans les vedettes rapides à
BREST, puis cuirassé à PARIS, il y aura le privilège de transporter le
Général DE GAULLE (photo ci-dessous). Il a été congédié régulièrement
de la marine le 08 avril 1946 obtenant les certificats de bonne
conduite et de bonne morale comme l’atteste son livret militaire.
Il se mariera le 1er septembre
1945 avec Adèle ZATKA, ils fonderont ensemble leur famille à SAINT
NICOLAS DE PORT rue du Maréchal LECLERC. C’est dans cette ville qu’il y
travaillera chez Wenck (chaudronnerie), et y aura vécu tout le reste de
sa vie. Je
garde en mémoire son goût de la nature, sa capacité d’improvisation
(plein d’histoires passionnantes racontées à ses petits-enfants), et
lors des dernières années de sa vie, la volonté de partager les
histoires difficiles sans toutefois y arriver vraiment. A
ce jour, la guerre fait son retour en Europe et des ennemis qui
avancent masqués ou qui n’ont pas de visage prospèrent en France :
racisme en tout genre, pauvreté, sans-abrisme, isolement…. Notre
famille s’évertue à faire vivre les valeurs de mon grand-père au
travers de sa descendance, au travers de combats syndicaux et
associatifs, pour que l’héritage de la Seconde Guerre Mondiale et ses
enseignements perdurent. Beaucoup
de beaux symboles ont émaillé sa destinée, lui qui est né l’année des
Jeux olympiques de PARIS 1924, et dont le centenaire de sa naissance
coïncide à nouveau à leur réalisation à Paris, 100 ans après !
Thomas dans les bras de son grand-père |
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En
souvenir de son grand-père, Thomas a créé une association dont l'objet
est de lutter contre l'isolement, et dont le nom rappelle ce grand-père
qui compte tant. : https://lois-kath.net/ .
Association qui compte déjà une dizaine de bénévoles âgés de 18 à 38
ans et qui commence à faire des petits spectacles personnalisés
(quelques chansons, une scène de film ou de théâtre qui leur plait),
auprès des anciens de l'EHPAD de Pontoise à l’occasion de leur
anniversaire.
Des bénévoles qui essayent aussi de créer un lien intergénérationnel en
organisant des visites hebdomadaires aux résidents de l'EHPAD.
Bien à vous,
Thomas,
adhérent de l'Espace de Mémoire
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