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PORTRAIT

Georges THYRARD

 

Ancien Maquisard du GL42,ayant participé aux combats de Leménil-Mitry le 3 septembre 1944,fait prisonnier à Charmes le 5 septembre,déporté à Dachau, rescapé des marches de la mort,Libéré le 29 avril 1945.

Ancien vice président de l’amicale du GL 42

Il s’appelait, Georges THYRARD

 

il est né le 04 Aout 1922 à Charmes (Vosges), mais toute sa famille habitait Housséville (Meurthe et Moselle). Orphelin de père et de mère à l’âge de 10 ans, il fut confié à sa tante puis placé, à partir de 1934, comme commis de culture dans différentes fermes du village. Ayant perdu 5 oncles durant la première guerre mondiale, il faisait partie de ces patriotes prêts à prendre les armes pour que la France reste un pays libre.

 

Aussi, début 1940, il signa un engagement volontaire pour la cavalerie mais ne fut pas incorporé, consécutivement à la débâcle… Il réitéra en fin 1942, en s’engageant dans l’armée d’armistice au 6ème régiment de cuirassiers stationné à Limoges… Là, il fut démobilisé presque immédiatement suite à la dissolution des troupes françaises ordonnées par Hitler le 27/11/1942.

 

Le  04 Juin 1943, comme tous les français des classes 20/21/22, il fut requis pour le service du travail obligatoire (STO). Mineur à l’époque, pour éviter d’éventuelles représailles contre sa tante, il se retrouva dans les usines de la Sarre.

Le 30 Août 1943, suite à une permission inespérée, il put regagner la France. Au revoir le grand Reich, pensait-il !

 

Devenu réfractaire donc clandestin, il changea constamment de domicile voire de département. Ainsi, après s’être caché dans un premier temps à Housséville avec d’autres compagnons, et suite vraisemblablement à des dénonciations qui amenèrent la Feldgendarmerie à organiser une fouille en règle des habitations d’Housséville avec des menaces en cas d’assistance à ces jeunes hommes qualifiés de terroristes, il trouva refuge dans un foyer de jeunes ouvriers à Nancy en y devenant un des jardiniers. C’est là qu’il côtoya des membres des francs-tireurs partisans qui travaillaient à la SNCF.

Sous le pseudonyme « COCO », il participa avec ces derniers, à des actions programmées de repérages et de renseignements.

 

Suite à plusieurs arrestations locales, il se réfugia à nouveau dans les environs de son village natal, recueilli par Monsieur Albert  François, lieutenant FFI (devenu plus tard son beau-frère) et par le frère de ce dernier, Gaston François.

Connaissant bien la région, il fut chargé dans un premier temps de ravitailler le maquis qui grandissait à vue d’œil (jusqu’à compter 894 hommes fin Août 1944). Ainsi, il sillonnait de nuit, avec une camionnette et 3 camarades armés, les campagnes environnantes afin d’approvisionner massivement les effectifs grandissants (abattage nocturne de bovins, récupération de pain, de bière et de vin...).Par miracle, leurs longs et périlleux périples nocturnes ne furent jamais interceptés par les troupes allemandes.

 

A partir de début juillet 1944, il fut affecté, toujours alias « Coco » comme voltigeur sous les ordres du capitaine Félix Mennegand «Capitaine Félix» et participa au parachutage de Chandernagor dans la nuit du 24 au 25 Août 1944.

Le 2 Septembre, son groupe reçoit l’ordre d’intercepter, à proximité du village de Crantenoy, un convoi de troupes allemandes qui venaient d’évacuer l’intendance de la brasserie de Tantonville.

Des morts et des blessés de part et d’autre mais une victoire éclatante du GL42 ramenant, en prime, 20 prisonniers qui furent enfermés dans la cave du château du Ménil-Mitry.

 

Mais, dès le lendemain, le 3 Septembre vers 6h du matin, la riposte allemande commença sur le QG. Face à 250 allemands appuyés par 2 blindés, 2 auto-mitrailleuses, des canons et de 88, des mortiers…, les FFI firent preuve d’un courage remarquable et d’une détermination sans faille. Ainsi, après une matinée meurtrière, sous le son des cloches de la basilique de Sion qui sonnait la messe, l’ennemi rompit le combat avec des pertes significatives. Ses 2 meilleurs amis, Gaston François et Maurice Talotte y perdront la vie, 5 autres maquisards, périrent aussi ce jour-là, dont le capitaine Duperron. Par ailleurs, 11 blessés furent aussi à déplorer.

 

A peine la bataille terminée, le 4 Septembre il est envoyé,  avec une centaine de FFI de la 1ère compagnie, en renfort à Charmes afin de soutenir les FFI locaux pris à partie par un ennemi supérieur en nombre et en armement.

 

Un combat inégal et meurtrier s’ensuit  jusqu’au 5 Septembre au matin. Son groupe reçoit alors l’ordre de décrocher et de se replier. Les pertes humaines sont importantes et Georges THYRARD, projeté dans les airs par le souffle d’une explosion et blessé, ne put se résoudre à abandonner son compagnon d’armes, Robert Woimbée d’Housséville, grièvement atteint par un éclat de mortier (il sera sauvé).

Aussi, après l’avoir chargé sur son dos, il remonta vers le pont de la Moselle et le traversa, petit à petit en rampant et en tirant son camarade, sous la mitraille ennemie positionnée devant la gare mais heureusement couvert par les résistants encore sur place qui ripostèrent farouchement. Il conduisit son camarade à l’Hospice de la ville de Charmes, alors que l’ennemi prenait possession de la ville en y commettant de terribles représailles et exactions.

 

Sur les instances des religieuses, Georges THYRARD, après avoir évacué et caché les armes des blessés restés à l’Hospice, se retrouva piégé dans la ville. Fait prisonnier, Il dut sa survie immédiate au fait qu’il possédait sur lui ses papiers d’identité prouvant qu’il était né à Charmes. De plus, le groupe de soldats allemands qui l’interceptèrent était commandé par un vieux sous-officier plus bienveillant que les jeunes nazis. Il fut donc épargné et enfermé avec tous les adolescents et les hommes de la ville dans la conserverie Dufour.

 

157 otages (de 16 à 76 ans) choisis au hasard, dont Georges THYRARD, furent chargés dans des camions pour être incarcérés dès le 06 septembre à la prison de la Vierge à Epinal aux fins d’y être interrogés. Tous furent déportés (55 seulement survécurent à l’enfer des camps).

Les résistants en déroute qui avaient vu Georges THYRARD et son ami tomber sur la route de Chamagne, rendirent compte de sa disparition et le chef de bataillon NOEL rédigea une attestation certifiant sa disparition au cours du combat.

Pour tous, il fut considéré comme mort pour la France et sa tante en fut informée officiellement.

 

A la prison d’Epinal, malgré l’intervention du maire, M. Henri Breton qui certifia qu’il était Carpinien (ce courageux maire mourut en déportation), Georges THYRARD fut néanmoins identifié comme résistant et classé « Nacht und Nebel » (destiné à disparaitre sans laisser de trace).Il fut envoyé dans les camps de la mort avec le matricule 113923.

 

Commença alors le calvaire de sa vie. Après un passage au camp de Schirmeck, puis au camp de sécurité « Sicherlager » de Gagguenau, il fut envoyé au terrible camp de concentration de Dachau puis dans les meurtriers kommandos du Neckar où il connut au quotidien la faim, le froid extrême de l’hiver 44/45, les brimades et le travail de forçat.

 

Puni sévèrement le 10 décembre 1944, il en garda des séquelles à vie et ne dut sa survie qu’aux bons soins que lui prodigua le professeur François Rohmer, déporté comme lui.

Pour l’anecdote, Georges Thyrard avait des yeux bleus très clairs, hors du commun. En 1980, soit 35 ans après cet événement, ce professeur, devenu un grand neurologue était l’invité d’honneur du Congrès des Déportés qui se tenait dans les Vosges à GERARDMER. Il se trouvait à la tribune officielle et a reconnu Georges Thyrard qui se trouvait au premier rang (officiel lui aussi). Monsieur Rohmer est allé alors à sa rencontre et lui dit : « toi, je te reconnais avec tes yeux bleus, tu n’en avais plus pour longtemps… ».

 

Durant la semaine sainte d’Avril 1945,  les SS, qui avaient décidé l’extermination des derniers survivants face à l’avancée des troupes alliées, formèrent un convoi pour ramener à pied depuis le camp annexe de Neckarelz, les rares rescapés à destination du camp de Dachau.

280 kms furent parcourus sans arrêter, sans manger ni boire durant trois nuits et deux jours. Cette marche de la mort sera fatale à beaucoup (morts d’épuisement ou abattus sommairement). De retour au camp de Dachau, épuisé par la dysenterie, couché à même le sol et entouré de cadavres, il croyait sa fin arriver. Presque 80% de ses compagnons d’infortune des camps du Neckar sont décédés entre Octobre 44 et Avril 45.

 

Les troupes américaines délivrèrent le camp de Dachau le 29 Avril 1945 et il fut sauvé

(voir la lettre qu’il a écrit à sa tante le 07 Mai 1945 mais qui arriva à Housséville après son retour le 18 Juin 1945).




De retour chez lui après une période de convalescence, les témoins de l’époque ont cru voir un revenant puisqu’il avait été déclaré mort au combat, sans aucune nouvelle.  De surcroit, sa tante venait de recevoir, via la Croix Rouge, certains de ses effets personnels (dont son portefeuille avec ses papiers et une mèche de ses cheveux).

 

Fêté, invité dans toutes les familles, il rencontra lors d’un déjeuner la sœur de Fernande  François, épouse d’Albert  François,« alias Albert », lieutenant au GL 42 et frère de Gaston, tué au combat de le Ménil-Mitry.

Cette sœur, Odette Hinsinger devint son épouse en 1946. Ils eurent 5 enfants.

Ce héros, parmi tant d’autres, fut longtemps Président des Combattants Volontaires de la Résistance des Vosges, Président des Anciens de Dachau et Vice-président des anciens du Groupe Lorraine 42.

Il a passé sa vie à témoigner afin de tenter de sensibiliser les jeunes sur l’absurdité des guerres

 

Jusqu’à sa mort il a chéri la France, a prôné la tolérance et a répété sans cesse :

« PARDONNER MAIS NE PAS OUBLIER »

 

Georges THYRARD est décédé à Charmes le 1er décembre 2010.

 

Pour ses engagements héroïques durant la guerre 39/45 ainsi que pour les souffrances et atrocités qu’il a vécus en déportation, il s’était vu décerner les décorations suivantes :

 

- Chevalier dans l’ordre de la légion d’honneur.

- Médaille militaire.

- Croix de guerre 39/45 avec 2 palmes (2 citations à l’ordre de l’armée).

- Médaille des blessés de guerre (2 blessures).

- Croix des combattants volontaires de la résistance.

- Croix du combattant volontaire.

- Croix du combattant.

- Médaille des réfractaires.

- Médaille de la déportation et de l’internement pour faits de résistance.

- Médaille de la reconnaissance de la nation agrafe 39/45.

- Médaille commémorative 39/45 ordonnance.

- Médaille des engagés volontaires.

- Médaille de la France Libre « FFI ».

- Médaille d’or de la légion vosgienne.

 

S’ajoutent à titre civil grade de chevalier de l’ordre du mérite agricole et la médaille d’honneur des eaux et forêts pour la brillante carrière qu’il a accomplie ensuite dans les Vosges en tant que technicien à l’Office National des Forêts.


Texte rédigé par Michel Thyrard, aidé par son frère Jean, les fils de Georges Thyrard

Pour accompagner le don des souvenirs de Georges offerts à l’Espace de Mémoire en juin dernier.

 

Nous les remercions une nouvelle fois pour ce geste généreux.

 




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